Philoland est un pays auquel on accède en philosophant ou en pensant, théoriquement accessible à tous. Sa géographie ressemble à celle de nos pensées. Il s’agit donc d’un pays aux mille visages, qui se modifie pour satisfaire les réflexions et les rêves de chacun.

Chapitre 2 : De l’autre côté du tableau...


Mon cher Simon

Crois-moi, je n’ai jamais souhaité être un philosophe. Si tu lis ses lignes parce que tu soupçonnes en être un, écoute mon conseil : referme ce livre immédiatement. Prends pour argent comptant le mensonge que tes parents t’ont raconté sur ta naissance et tente de mener une vie normale.  Une vie de philosophe c’est dangereux. C’est angoissant. Et, le plus souvent, ça se termine par une mort abominable et douloureuse.  Si tu es un adolescent normal qui a ouvert ce livre  en pensant qu’il s’agit d’une œuvre de fiction, parfait.  Poursuis ta lecture. Je t’envie  de pouvoir croire que rien de toute cette histoire n’est jamais arrivé.
Mais si tu te reconnais dans ces pages-si tu sens quelque chose remuer en toi, arrête de lire tout de suite,  il se pourrait que tu sois l’un des nôtres. Or dès l’instant où tu le sauras, il ne leur faudra pas longtemps pour te percevoir et se lancer à tes trousses.

Je m’appelle Baccalarius,  j’écris sur ce grimoire vierge, bientôt recouvert d’encre par la plume que je tiens à la main, qui pourrait bouleverser l’humanité.
En cet instant, mon secret est seulement contenu dans mon esprit, je suis vieux maintenant, je ne suis plus le lycéen que j’étais, en l’écrivant, je m’apprête à le divulguer. Les philosophes m’ont confié cette lourde tâche, je vais essayer de m’en acquitter avec honneur.

Tout commença il y a fort longtemps dans la lointaine Mayenne. Là était le lycée Sonbocdo, où j’étais pensionnaire,  une école qui est bien plus que ce qu’elle paraît.  Les gens parlent de Sonbocdo comme on chuchote un secret bien que ses cours étaient connus à des lieues à la ronde regorgeant du savoir de ses professeurs illustres, lycée paisible et prospère.
Ce lycée fut renommé aussi pour les sorties scolaires organisées: Cordoue, Barcelone, Rome….autant de voyages scolaires qui vous font et défont à la fois.
C’est ainsi que je participais au voyage en Italie par une très belle journée d’été. Quand nous atteignons  l’une des salles des palais pontificaux du Vatican, nous nous rendons compte que beaucoup de gens ont eu la même idée que nous. Nous flânons à travers les couloirs, chambres et antichambres menant à l’angle sud-ouest du palais, lieu où se situe la fameuse chapelle Sixtine.
Juste avant d’y parvenir, la Chambre de la Signature  est le passage obligé pour y accéder, cette pièce renferme les plus célèbres fresques de Raphaël, marquant l’épanouissement de sa carrière au Vatican et l’éclat de la Renaissance. Le tribunal, présidé par le pape, se réunissait dans cette salle vers la moitié du XVIe siècle. C’était, au départ, le cabinet du travail et la bibliothèque de Jules II (pape de 1503 à 1513) et le programme iconographique des fresques, exécutées entre 1508 et 1511) est lié à cette fonction. 


Il fut certainement établi par un théologien et se propose de représenter les trois plus hautes catégories de l’esprit humain : le Vrai, le Bien et le Beau. Le Vrai surnaturel est illustré par la Dispute du Très Saint Sacrement (ou la théologie),


 le vrai rationnel par l’Ecole d’Athènes (ou la philosophie) ;


 le Bien est représenté par les Vertus Cardinales et Théologales 



et par la Loi tandis que le Beau est représenté par le Parnasse avec Apollon et les Muses


Nous apprenons par une guide ô combien charmante et cultivée que c’est le pape Jules II, passionné par le décor peint qui confia à Bramante le dessin du dôme de la basilique Saint-Pierre, et à Michel-Ange le  fameux plafond de la chapelle. Sa sainteté embaucha un jeune inconnu alors âgé de 27 ans, pour réaliser une série de fresques sur les murs de sa bibliothèque personnelle, dans le palais du Vatican. Elles  devaient évoquer les disciplines présentes dans la bibliothèque, autrement dit : la théologie, le droit, la poésie, et la philosophie.
Notre guide nous explique que dans la dernière fresque, très célèbre, l’école d’Athènes, Raphaël a figuré un groupe de philosophes de l’antiquité venant de Grèce, mais aussi de Rome, de Perse et du Moyen-Orient ; ils sont en grande conversation.
Alors que le groupe auquel j’appartenais avançait dans la visite du musée, je restais cloué sur place, je ne parvenais pas à me décider de le rejoindre. Quelque chose me retenait, mais je ne savais pas quoi. Des salles avoisinantes continuaient à me parvenir des bruits de pas, de voix et de flash d’appareils photo. Je pris conscience du fait que je n’avais pas cessé un seul instant de fixer ce tableau. Je me rendis vite compte que je ne pouvais pas en détourner le regard, c’était comme si de ce tableau gigantesque (4m40 sur 7m70) émanait une sorte de force magnétique qui m’attirait irrésistiblement. Je me demandais comment Raphaël avait pu faire pour que le tableau parvienne à contenir tous ces personnages tout en ayant une composition très claire, très lisible, comme si il avait du calculer chaque geste, chaque posture, mais aussi penser l’architecture à la mode antique extrêmement bien représentée. Le tableau respire l’intelligence, non seulement par l’ensemble du savoir antique rassemblé ici, mais aussi par sa composition géométrique absolument savante, en effet, notre guide nous a montré le point de fuite qui tombe à la jonction  de Platon et d’Aristote, ainsi que la ligne d’horizon le coupant également. 
Alors que la vaste pièce était remplie d’un brouhaha de voix assourdies, je m’interrogeais : qu’est-ce que cela ferait d’étudier à l’Ecole d’Athènes, d’écouter ces merveilleux professeurs et de m’entretenir avec eux ?
 Soudain, je sentis émaner de ce tableau une force d’une douceur indescriptible, réconfortante qui me comblait totalement, je restais hypnotisé par la lumière que dégageait le tableau. Je baignais ainsi dans une lumière chaude, veloutée, dans laquelle je me sentais à l’abri et apaisé. Soudain, je me rendis compte que je n’avais plus conscience du poids de mon corps
Je me rendis compte que le tableau vibrait, émettait des émotions…il est difficile de décrire ce qui se produisit à ce moment précis, les mots me manquent pour décrire cette sensation, tout dans le tableau, les couleurs, les formes, le mouvement des lignes, les expressions des visages, les postures et les corps exprimaient un souffle créateur.  C’est à ce moment-là un jet de lumière m’éblouir et je me sentis dégringoler à une vitesse stupéfiante dans une sorte d’abîme.
La guide continuait à discourir et les visiteurs tout autour à chuchoter en l’écoutant, mais je sentis que  je n’avais plus la curiosité de l’écouter. C’est à ce moment-là qu’un jet de lumière m’éblouit et je me sentis dégringoler à une vitesse stupéfiante dans une sorte d’abîme.
Je m’aperçus que je n’avais plus besoin de ses commentaires, j’en savais beaucoup plus qu’elle ne pourrait m’en dire, puisque nous n’étions plus à la même distance du tableau. Je m’en suis approché soudain, tandis que les visiteurs en semblaient éloignés à des kilomètres. Voilà que j’entendais leurs voix comme un bourdonnement derrière une vitre. Je me rendis compte que nous habitions désormais deux univers différents. Je suis de l’autre côté du tableau..

A demi assommé, je m’asseyais et secouais la tête pour recouvrer quelque peu mes esprits. J’inspirais profondément pour m’éclaircir les idées mais cela ne faisait qu’aggraver mon malaise. C’est alors que je remarquai que le cadre où je me trouvais était surprenant, au cœur d’un décor urbain, dont on ne sait s’il s’agit d’un temple, d’une place publique ou des arcades d’une cité idéale, il était parsemé de bâtiments  dont l’architecture rappelait la Grèce Antique avec ses colonnes de marbres blancs. Décor au milieu duquel je pouvais voir des hommes en toges au magnifique drapé….semblant provenir de Rome, de Perse et du Moyen-Orient, avec l’inscription : » Colonie des écoles de pensée ». Visiblement, ils sont en grande conversation.

Voici la retranscription de ma première rencontre avec un homme d'un autre lieu et d'une autre époque.....

Ah jeune homme, vous voilà enfin revenu à vous ! Comment vous-sentez-vous ?

   Surpris, un homme appuyé sur une colonne grecque semblait s’adresser à moi.
— "N’ayez pas peur, je me présente, mon nom est Diogène Laërce, directeur de la colonie des écoles de pensée

   Eh bien….enchanté, votre nom ne m’est pas inconnu…sans doute l’ai-je entendu dans un cours…. Mais je ne saurais dire lequel. Où sommes-nous monsieur ?


   ah…flatté que l’on parle encore de moi dans votre monde !  pourtant cela fait longtemps…. Allez je me présente, cela vous éclairera sur votre situation : je suis citoyen de Nicée en Bithynie, poète, je m’intéresse à la philosophie à mon temps perdu, j’y prends un certain plaisir par goût pour l’érudition ; sans doute parle-t-on de moi dans votre monde parce que j’ai rassemblé toute la documentation possible sur les grands noms de la philosophie grecque. J’ai aimé dire tout ce que je savais de ces philosophes, sur lesquels j’avais écrit des épigrammes dans Pammétros, puis plus tard, particulièrement sensible de la renommée des philosophes, j’écrivis  « Vies et doctrines des philosophes illustres », ouvrage pour lequel ma connaissance des écoles philosophiques et de la vie de leurs fondateurs, m’a valu d’être nommé scholarque du plus grand  centre de formation pour les jeunes philosophes.



   C’est donc dans le  cours de philosophie que j’ai entendu parler de vous !  mon professeur de philosophie nous avait dit que vous étiez en quelque sorte le concierge de l’antiquité car vous adoriez les anecdotes  avec une curiosité insatiable pour tous les détails biographiques, notamment ceux concernant la mort des philosophes, cela me revient maintenant. En revanche, vous n’avez pas répondu à ma question, quel est cet endroit ? Qu’est-ce que je fais là ?


   je vous l’ai dit, vous êtes à la colonie des écoles de pensée, le plus vaste centre de formation pour les jeunes philosophes. C'est un grand espace magnifique de plusieurs kilomètres dans lesquels de nombreuses pensées sont disponibles. 


   Comment suis-je venu ici ? j’étais devant le tableau de Raphael, et soudain je me suis retrouvé ici…mais d’ailleurs ce décor….ces gens tout autour….non ? impossible ! Je suis enfermé dans le tableau ?  Que tout est donc confus ! je dois être en train de rêver, oui c’est la seule explication et je suis en train de me rendre compte que je rêve !

   Vous ne rêvez pas jeune homme, vous êtes dans le tableau de l’école d’Athènes, portail d’entrée de la « colonie des écoles de pensée »


   Non, vous n’existez pas ! rien de tout cela n’existe ! je me souviens d’un cours de philosophie qui m’avait un peu perturbé sur la confusion rêve et réalité ! je suis tout bonnement en train de vivre cette situation, après tout « j’ignore si je ne rêve pas quand je vis, ni si je ne vis pas quand je rêve, ni si le rêve et la vie ne sont pas en moi des choses mêlées […] je ne sais plus si j’existe, si ça se trouve, je pourrais être le rêve de quelqu’un d’autre»[1]

   Allons jeune homme ! croyez-moi, vous ne rêvez pas ! vous êtes bel et bien dans un autre lieu, à une autre époque ! le tableau vous a happé, en fait il faut savoir que ce que tout le monde croit être un tableau de Raphael, se révèle être l’entrée de la colonie, une sorte de hall des héros,  un lieu voué à la discussion et à la réflexion, à la sagesse. Voyez cette plaque, que l’on ne peut apercevoir qu’en étant à l’intérieur du tableau, ce qui est votre cas : » Dédié aux Philosophes, à ceux qui risquent leur vie pour préserver l’avenir ».

   Impressionnant !  mais lorsque je regarde ces philosophes de plus près, ils ont l’air irréels,  serait-ce là une hallucination, un sortilège ? bien que les voyant en train de discuter, la pièce est étrangement silencieuse ! 

   L’explication est simple, ce que vous voyez ici ne sont que des hologrammes lumineux, telles des sentinelles vigilantes dressées contre les ténèbres du monde. Ils rappellent à ceux qui viennent ici, dont vous faites partie, qu’ils n’ont pas été choisis pour s’amuser, mais pour participer activement à une lutte qui peut leur coûter la vie. 

   Une lutte qui peut leur coûter la vie ? tant que ça ? mais…si je suis rentré dans le tableau, devrais-je moi aussi participer à cette lutte ?

   Sans aucun doute, rares sont ceux qui ont ce privilège. Vos parents vous ont envoyé à Sonbocdo pour vous remplir la tête, mais pour parfaire ton apprentissage de la vie ton professeur de philosophie t’a confié à moi, enfin plus exactement à la colonie des écoles de pensée.

   « Parfaire mon apprentissage de la vie » ?!, vous y allez un peu fort Monsieur Diogène !

   Je ne pense pas !  si votre professeur de philosophie vous envoie ici, ce n’est pas un hasard, lui-même ayant été initié aux mystères de la philosophie. On m’a transmis ton dossier scolaire, tes professeurs dans l’ensemble ont l’air d’être mécontents de ton travail, du côté de tes émotions, c’est une catastrophe ! Stress, attaques de panique, sautes d’humeur, période de dépression….vous semblez souffrir d’incontinence émotionnelle, n’est-ce pas ?


   A vrai dire…je ne sais que dire ! Mes professeurs ne me comprennent pas, me parlent d’échec scolaire si je poursuis dans cette voie là…. Vous avez devant vous un adolescent à la mer qui regarde le navire d’où il est tombé poursuivre sa route, telle est mon impression, c’est comme cela que je ressens les choses. Vous pouvez me tutoyer monsieur Diogène, cela ne me gêne aucunement.

Personne ne pouvait mieux que Simon comprendre ce que cela signifiait. Il se réjouissait d’avoir de cette façon quelque chose de commun avec Baccalarius.

   Très bien. J’entends bien ce que vous, enfin, tu me dis là, c’est la raison pour laquelle tu es ici, nous allons essayer d’être le canot de sauvetage du navire qui t’a laissé en mer. J’ai parlé d’apprentissage de la vie car en fait, c’est ce que semblent avoir oublié vos écoles.

   Qu’est-ce à dire ? je ne comprends pas !

   Je m’explique : vos cursus en littérature, histoire,  mathématiques, sciences diverses vous remplissent bien la tête, à n’en point douter. Vous étudiez de grandes œuvres, reproduisez des expériences en laboratoire, des raisonnements en mathématiques etc… mais en quoi cela vous apprend-t-il à gérer vos émotions ? vous forger des convictions politiques, spirituelles, religieuses ? en quoi cela vous aide-t-il à comprendre le sens de la vie, à tenter de donner un sens à votre vie ? tu as traversé ta vie en pensant que le monde est ordonné et rationnel, que la science peut tout expliquer.  Tout le monde y croit. Sinon, tu es fou, psychotique ou philosophe. Le problème, c'est que le monde est comme ça parce que les gens adhèrent. C'est simple, ordonné et tout peut s'expliquer. Tout le monde mange vite, a un travail ennuyeux et se désintéresse des réponses que peuvent apporter les philosophes. Les gens ont toujours préféré les solutions aux réponses.

   Je crois que je comprends ce que vous voulez dire. En fait, vous insinuez que les écoles, les universités et autres instituts de formation devraient proposer un soutien à leurs élèves, pas seulement dans leur carrière, mais aussi dans leur vie ? par contre pour la distinction entre réponse et solution, je ne vois pas très bien.

   Tu as presque tout compris jeune homme ! C’est exactement ce que faisaient les professeurs que tu vois autour de toi ! ces hommes en toge que tu vois dans l’exercice de leur art, enseignaient à leurs disciples comment gérer leurs émotions, faire face à l’adversité et vivre au mieux. Telle est l’antique et haute fonction consolatrice de la philosophie, fonction, hélas, recouverte par des siècles d’enseignement et d’érudition aussi abscons que stériles. Je le répète, apaiser les craintes et les soucis des hommes, leur donner les moyens de faire face à l’adversité, renforcer leurs défenses naturelles que représentent leurs âmes : tels furent pendant près d’un millénaire quelques-uns des objectifs concrets et profitables de la philosophie. S'agissant de la distinction entre solution et réponse, on peut dire que la solution annule le problème, par exemple une fois que tu as trouvé que 2+2 = 4, 4 annule le problème, alors que pour l'existence de Dieu, ou sa non-existence d'ailleurs, pour savoir comment bien agir dans la vie, pour atteindre le bonheur...l'humanité n'offre que des réponses, les réponses n'annulent pas le problème, bien au contraire, elles l'entretiennent. La philosophie offre souvent l'image d'un champ de bataille, puisque les philosophes et leurs réponses se succèdent sans jamais annihiler le problème. Nous discutons toujours des règles du bonheur, de l'existence de Dieu, de la justice, de la beauté, etc...

   Je vois, c'est pour cela que notre société adore les mathématiques. En revanche je ne suis pas trop d'accord avec ce que vous venez de dire de la philosophie. Pardonnez-moi de vous offenser, mais pour beaucoup de personnes, dont moi, la philo c’est avant tout de la théorie, c’est difficilement compréhensible, éloigné du monde et de la réalité. C’est comment dire ?... biscornu. J’admets que de temps en temps, un cours peut être intéressant, pour la simple et bonne raison que chacun est à sa manière un peu philosophe dès lors qu’il se penche sur sa propre vie. Si l’on admet que les gens qui s’occupent de philosophie sont comme les autres, que font-ils de si particulier ? Si tout le monde a des idées, tout le monde pense ! chacun forge des raisonnements, réfléchit sur son propre sort, s’interroge et tente d’examiner la nature humaine. Faut-il en conclure que tout le monde est philosophe ? Que tout le monde fait de la philo sans le savoir ?

   Je te l’accorde mon garçon, c’est une chose de réfléchir à une théorie et de la comprendre, c’en est une autre de se l’approprier par la pratique et l’exercice. Il ne te suffit pas d’avoir lu ce qu’en pensent les philosophes pour savoir ce que sont la maîtrise de soi, la paix intérieure et la joie d’être soi-même. En gros, tu me demande de préciser ce qui distingue de façon singulière les philosophes …les rencontres au cours de ton aventure devraient répondre à ta question, qui est celle que tout le monde se pose. On sait à quoi servent un boulanger, un médecin, un pompier, on les juge en fonction de leur efficacité, de leur utilité au sein de la communauté, mais le philosophe doit toujours répondre à l’éternelle question : » à quoi servez-vous ? quelle est votre utilité dans la société ? ». Bref ! il doit justifier son salaire !  Il faut dès lors leur expliquer que si tout le monde a des idées, les philosophes eux, les examinent. Certes, tu l’as dit, tout le monde pense, nul besoin d’être philosophe pour cela, mais les philosophes, eux, reviennent sur ce qu’ils pensent, pour le mettre  à l’épreuve, l’examiner, faire le tri. Telle est la particularité des philosophes : ils pensent à leurs pensées ! 

   En gros ils sont payés pour réfléchir quoi ?

   On peut appeler ce mouvement « réflexivité », le terme n’en signifie pas moins simplement «  retour sur soi », »examen de ce qu’on croit et de ce qu’on pense ». 

   Enfin, on ne peut passer sa vie à penser que l’on pense !  à repenser ce que l’on a déjà pensé! Ne faut-il pas vivre sa vie avant de la penser ?


   Je vois de la résistance dans tes propos, il n’est pas rare que les théories philosophiques complexes provoquent des résistances à la compréhension ; en cela tu as tout à fait raison. Tu sais les gens normaux ne veulent pas d'un monde philosophique. Ils veulent un monde sûr où ils n'ont pas à affronter le péril du dialogue, de l'échange, des idées différentes. Nous les philosophes, nous ouvrons les yeux sur un monde où nous pouvons faire nos propres lois et choisir de croire en ce qui nous plaît, le monde qui est en notre pouvoir, c'est notre esprit, ce sacré édifice mental, qui est impénétrable par les autres, mais souvent par soi-même aussi. Force est de constater que le principal obstacle à la recherche philosophique, c'est la résistance à bouger intérieurement. Attachés à nos habitudes mentales, nous sommes en général partisans de ne  jamais changer un système qui fonctionne. Mais malheureusement, pas d’art de vivre sans changement. C’est en cela que la philosophie est mal aimée de la jeunesse, puisqu’elle met notre confort mental sens dessus dessous. N’aie crainte : tu rencontreras dans tes aventures des personnes qui ont su mener leur barque pour bien vivre. Mais rien n'est gratuit dans ce monde. La philosophie n'est pas une exception. Bien qu'elle apporte le pouvoir, elle n'est pas toute puissante. Un apprenti philosophe ne peut réussir que s'il possède la volonté, la croyance et l'entraînement. Ta quête  te démontrera qu'il peut y avoir du plaisir à s’occuper de soi, cela fait vite oublier les peurs de changement qu’on éprouve au début.


   Une quête dites-vous ? mais de quelle quête s’agit-il ? J’avoue ne pas tout comprendre….





[1] Fernando Pessoa, le livre de l’intranquillité
(source d'inspiration pour ce chapitre:  Le Voleur de foudre, premier volet de la série Percy Jackson, écrit par Rick Riordan.)

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